Je ne sais pas dessiner … vraiment ?
On 11 novembre 2021 by MarieIl y a de ces petites phrases que l’on transbahute dans nos bagages comme un héritage encombrant. Ces petites phrases qui finissent par nous coller à la peau et que l’on croit sans oser les remettre en question. Ces petites phrases qui progressivement viennent définir une partie de notre identité.
Pour ma part, la phrase ‘je ne sais pas dessiner’ fait partie du package. Depuis aussi loin que je me souvienne, une chose est claire, je ne sais pas dessiner. Mes amies, oui ! Mais moi, oh non. Je comparais (et comparaison = poison !) ; mes tentatives de dessins ne parvenaient pas à la cheville de ce qu’elles pouvaient faire. Quel talent ! Je me souviens aussi des légères moqueries quand je tentais désespérément d’illustrer quelque chose de reconnaissable à Pictionary. Connaissant ma (légère) susceptibilité, je me dis que ça a dû me marquer plus que je ne le pensais…
Et pourtant, j’ai toujours aimé les ‘arts créatifs’. J’aime fréquenter les rayons du magasin d’art créatif du coin. Au fil des années, j’ai essayé et appris de nombreuses techniques, mais je n’ai jamais mis les pieds dans la section Beaux-Arts. Une section qu’instinctivement je délimitais comme inaccessible à ma petite personne et à mes talents limités.
Mais ça, c’est de l’histoire ancienne et j’en suis toujours la première surprise.
Au printemps dernier, après notre longue quarantaine et grâce aux pluies que nous avons eues, la nature m’a semblée plus exubérante et verdoyante que jamais. Je voulais d’une certaine manière fixer dans mon esprit ces couleurs qui m’entouraient, m’émerveiller devant ces variations de vert et ces touches de couleurs. Je ne sais pas exactement comment mes pas m’ont amenée dans le rayon Beaux-Arts et en particulier la section aquarelle (peut-être un bon marketing de l’enseigne locale), mais ce jour-là, j’ai acheté un livre d’aquarelle de Marie Boudon, ainsi que du matériel de base. Je me suis dit qu’avec un peu d’effort, ce genre de peinture était à ma portée.
Je suis rentrée à la maison pour tester tout cela méthodiquement et faire des essais avec les enfants. J’ai tout de suite accroché au côté aléatoire de l’aquarelle, à ces mélanges de couleurs et d’eau qui font que le résultat n’est jamais tout à fait prévisible (en tout cas pas pour une débutante), et qu’une ‘erreur’ se révèle parfois être une ‘réussite’.
Dès mes débuts et face à mon auto-critique naturelle, ma fille m’a sermonnée, me rappelant fermement que je devais être contente avec mes essais, que j’avais fait de mon mieux à un moment donné et que cela ne devait pas être parfait. Ah… quand nos conseils nous reviennent par effet boomerang !
Après une semaine d’apprentissage intensif, voici ma première aquarelle. Comme tout ce que je crée, ce n’est pas parfait à mes yeux très critiques, mais pour une fois, je me plais à l’accepter telle qu’elle est et pour ce qu’elle est. Je suis même plutôt surprise et fière du résultat.
Mais au-delà du résultat, je découvre autre chose : la concentration totale et la joie. En peignant, je ne pense à rien d’autre qu’à ce que je fais, à ce mélange de couleurs, à ces formes qui apparaissent, à ces fondus, ces transparences. Je prends tout simplement du plaisir et ma concentration est toute entière à ce que je fais et à rien d’autre. Ça fait du bien. Alors, pendant les soirées d’été, je m’installe et je peint. J’en délaisse même un peu le tricot…
Je repense aussi à mon grand-père, qui à la fin de sa vie, atteint par la maladie de Charcot a commencé à peindre des aquarelles. Une de ses aquarelles est d’ailleurs toujours là sur mon bureau, un rappel de cette créativité que l’on ne soupçonnait pas, un souvenir inestimable de mon grand-père. En voyant les paysages qu’il a peint, moi aussi j’ai envie d’essayer. Je me tourne alors vers la peinture de paysages, trouve de nouveaux livres, regarde des vidéos sur YouTube et apprend.
Mais très vite, je me retrouve bloquée par mon manque de compréhension de la perspective et de mon incapacité à dessiner autre chose que des arbres (j’aime les arbres!!). Et c’est ainsi que je me tourne imperceptiblement vers le dessin. Là aussi de fil en aiguille, d’essai manqué à essai moins manqué, j’apprends. J’aime être dans cette dynamique d’apprentissage, je ne dois rien prouver, juste apprendre et y prendre plaisir.
Je me mets même à dessiner des personnages. Là où il y a deux mois encore, mes personnages ressemblaient à des bâtons d’allumettes vaguement assemblés, tout à coup, ils prennent forme sur le papier, avec des mains encore bancales, des pieds qui manquent de perspective et des regards qui tendent à loucher, mais ce sont les miens, ceux que j’ai réussi à faire émerger du bout de mon crayon. Alors je teste, regarde, expérimente et me dis finalement que je ne peux plus vraiment utiliser cette phrase ‘je ne sais pas dessiner’.
Certes, mes dessins et peintures sont loin, très loin, de l’idéal qui se forme dans ma tête avant de m’y mettre. Ils ne ressemblent pas à ceux des dessinateurs que j’admire. Mais je ne peux quand même plus me cacher derrière un ‘je ne sais pas dessiner’.
Je cuisine et j’aime cuisiner. Je ne suis pas une cheffe étoilée, loin de là. Mais il ne me viendrait pas à l’idée de dire que je ne sais pas cuisiner. Alors pourquoi cette attitude face au dessin, comme si le dessin était un don inné que l’on avait ou pas, un marqueur identitaire à jamais immuable ?
Et si au lieu de dire ‘je ne sais pas’, je choisissais de dire autre chose comme, ‘jusqu’à présent, je ne me suis jamais intéressée au dessin’, ‘je n’ai jamais vraiment assez pratiqué pour arriver à ce genre de dessin’, mais aussi ‘ce que je fais me détend, alors peu importe le résultat finalement’… Après tout n’y a-t-il pas des nuances de gris entre le noir et le blanc ?
Assise dans le fauteuil, méditant cette expérience au rayon Beaux-Arts, je suis intriguée par ces croyances qui nous limitent (‘limiting beliefs’ en anglais), qui nous forcent à mettre nous-mêmes des bâtons dans les roues. Ces croyances qui me font parfois penser que si je ne sais pas quelque chose complètement, alors je ne sais pas du tout.
Quels sont donc ces autres domaines où je me limite ou me suis limitée moi-même en utilisant des croyances similaires ?
Et vous, quelle petite(s) phrase(s) indésirable(s) transportez-vous dans vos bagages ?
Oh combien j’acquiesce à tes propos!
J’ai moi-même commencé l’aquarelle à 40ans, désireuse d’aider maman dans la période difficile qu’elle traversait alors, je nous est inscrites à un stage d’aquarelle, art qu’elle avait pratiqué dans sa jeunesse, et j’ai mordu à l hameçon ! Aujourd’hui j’ai un peu délaissé ( sauf en vacances) l’aquarelle pour le pastel et l’acrylique avec toujours autant de bonheur!
Et j’ai bien progressé …. grâce à des professeurs talentueux aussi!
Je t’encourage à continuer!
Bravo Marie , continue ! c’est vraiment très réussi que ce soit les paysages où les personnages représentés !
Et c’est très gratifiant quand on voit le résultat de ce qui , au départ, sont des essais.
Chacun à en soi une fibre créative ; il faut parfois du temps pour le découvrir.
😉
Hello Marie,
C’est chouette que tu aies dépassé l’idée que tu ne savais pas dessiner, et que tu y trouves du plaisir maintenant. Être dans une concentration totale est une sensation vraiment agréable, que j’avais aussi parfois quand je faisais du piano. Bon amusement et bonne découverte encore des techniques de dessin.
Hello Michaël,
Merci pour ton message, je continue ma découverte à petits pas et avec beaucoup de joie !
Oui j’imagine bien cette sensation de concentration au piano aussi (tu n’en fais plus pour le moment?).
A bientôt !
Hello Marie,
Non j’ai mis la musique de côté pour l’instant. Mais dès que j’aurai la place (quand on déménagera) je remettrai mon piano quelque part pour en refaire. À l’heure actuelle, je passe mon temps à étudier la nutrition et me plonge également dans le bien-être physique et émotionnel. Joyeuses fêtes 🥳 !