Échanges et traditions…
On 20 décembre 2024 by MarieAinsi en était-il autrefois en Israël, à propos du rachat et à propos de l’échange, pour enlever toute affaire : l’un ôtait sa sandale et la donnait à l’autre. Ainsi en était-il de l’attestation en Israël. Le racheteur dit donc à Booz : « Acquiers pour toi ! » Et il ôta sa sandale.
Ruth 4. 3-6 (TOB)
– « Dis Mamy, je pense à ça, hier au mariage de Tatie C…, les deux familles ont échangés des objets tout au long de leurs discussions. Est-ce que c’est aussi le cas ici ? »
– « Et bien tu étais attentif, toi ! Effectivement, il y a eu plusieurs objets échangés, chacun avec leur signification propre. Chaque culture, chaque société a ses propres coutumes et ses manières d’officialiser des échanges et dans ce cas-ci des mariages. Un mariage rwandais, comme celui de Tatie C… a gardé encore beaucoup de traditions, notamment en lien avec la dot.
Et comme il y avait effectivement une symbolique derrière les objets échangés hier, nous retrouvons ici aussi dans mon histoire une symbolique qui a trait non au mariage en tant que tel mais à la conclusion d’un accord entre les deux parties. C’était une vieille tradition dans leur pays. Pour sceller un contrat, une décision, la personne qui cède son bien, son droit donne une de ses sandales comme preuve de son accord. C’est donc ainsi qu’Un-Tel décline son droit de rachat et marque son accord pour que Force-en-Lui puisse acquérir le champ et la femme. Tu auras remarqué que la discussion est prise d’un côté très technique, très légal. Il est question « d’acquérir » Amie tout comme il est question d’acquérir un champ. Un peu choquant quand on y pense, non ? Mais si tu y prêtes attention, tu remarqueras que Force-en-Lui utilise en fin de compte les codes de son époque pour les sublimer pour faire en sorte que bonté et générosité surpassent la loi. Car à l’époque où cette histoire se déroule comme dans bien des régions du monde actuellement, les hommes avaient beaucoup de droits sur les femmes. Elles appartiennent effectivement aux hommes autour d’elles.
L’angle d’approche de Force-en-Lui a été fructueux. Il pousse un léger soupir de soulagement. Il a fait ce qui était juste envers cette femme et Ma-Gracieuse. Au plus profond de lui-même, il sent que c’était la meilleure manière de montrer de la bienveillance (hesed) envers ces deux femmes qui ont elles-même fait preuve d’une grande générosité.
Un-Tel tend la sandale à Force-en-Lui. Les anciens du village les regardent. Ils voient tout ce qui s’est joué là devant eux. Cette réinterprétation de la loi était pour le moins originale, mais Force-en-Lui a argumenté avec une telle conviction qu’il n’y avait rien à en redire.
Force-en-Lui relève la tête, regarde un à un les anciens et les badauds assemblés autour d’eux, curieux de cette discussion.
– « Vous êtes témoins que j’acquiers aujourd’hui tout ce qui est à Mon-Dieu-est-Roi et tout ce qui appartient à Fragilité et Maladie de la main de Ma-Gracieuse. J’acquiers également pour moi comme femme, Amie la Moabite, la femme de Maladie pour que le nom du défunt soit sur son héritage et que le nom du mort ne soit pas retranché de ses frères et de la porte de son lieu. »
Comme hier, lors du mariage de Tatie C…, l’assemblée est appelée à être témoin. Témoin d’une nouvelle interprétation de la loi, témoin d’une alliance, témoin de l’entrée d’Amie la Moabite dans la communauté de Bethléem.
Hier Tatie C… avait décidé de se marier et le mariage traditionnel a été adapté, comme mis en scène après une décision prise par les fiancés eux-même. Mais traditionnellement et dans certains pays encore aujourd’hui, ce ne sont pas les principaux intéressés qui décidaient mais les familles. Ici les hommes de la communauté. Il était alors question de communautés, d’alliances etc. Force-en-Lui a utilisé ce contexte patriarcal pour garantir la solidarité au-delà des provisions habituelles.
Les anciens de Bethléem et le peuple qui s’étaient petit à petit amoncelé autour des deux hommes à la porte de la ville n’ont perdu aucune miette de cet échange inédit. Sous l’impulsion de Force-en-Lui, ils reconnaissent Amie non plus comme étrangère mais comme quelqu’un qui entre dans la communauté dont elle était exclue. Ils font même référence à ces femmes des temps anciens dont on raconte les histoires tard le soir, lors des veillées, ces femmes aux histoires parfois bien étranges, où jalousie, envie et ruse se mêlent. Ces femmes, qui en dépit de leurs histoires complexes, sont considérées comme les matriarches du peuple.
De son côté, un peu penaud mais soulagé quand même, Un-Tel se retire, une sandale en moins… et un nom à jamais perdu pour la postérité, lui qui voulait préserver le sien, quelle ironie.«
– Et Amie, elle est mise au courant comment ?
« Je ne sais pas trop. Mais tu as raison, pendant tout ce temps, Amie est toujours assise dans la maison, au coin du feu avec Ma Gracieuse. Les deux femmes attendent patiemment le dénouement des évènements qui détermineront le reste de leur vie. Je ne serai pas trop étonnée si un petit garçon assis à l’arrière du groupe de badauds n’avait pas couru jusqu’aux deux femmes pour les prévenir… Qu’en penses-tu ?
Me voilà donc arrivée à la fin de mon récit (pour aujourd’hui :-))… Est-ce une belle petite histoire d’amour qui finit bien qui vous a été contée ? Plusieurs indices portent à croire qu’il n’est pas ici question d’une idylle, d’un mariage d’amour mais plutôt d’une alliance exprimant une grande générosité. Dans ce monde patriarcal où deux femmes seules sont vouées à la pauvreté, comment survivre ? Amie et Force-en-Lui semblent avoir trouvé une solution, une solution qui inclut le mariage. Grâce à sa bonté, son courage et son ingéniosité Amie a tissé les premiers fils de cette histoire, laissant ensuite à Force-en-Lui l’intelligence et le courage de les assembler pour le bien des deux femmes.
Et voici venu le temps pour nous de continuer à célébrer comme il se doit l’union dont nous avons été les témoins. Je ne vous accapare pas plus longtemps… je vois les tartes là-bas qui me tentent bien. Et toi, mon cher petit-fils, tu n’as plus faim ?
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