Ruth : un joyau à découvrir (4/5)
On 26 février 2021 by MarieVous pouvez écouter l’audio ici:
Malgré les errances de ce chef de famille qui font croire au pire dès les premiers mots, la généalogie présente à la fin du livre inscrit pourtant l’histoire de Ruth, cette étrangère moabite dans l’histoire des patriarches. En effet, la formulation de la généalogie en Ruth 4:18-22 renvoie aux généalogies présentes dans la Genèse et qui selon certains structurent le premier livre de la Torah. Le mot toledot (générations) y revient onze fois1 structurant la Genèse en dix sections. Ce mot se retrouve également à deux autres endroits dans la Bible hébraïque : en Nombres 3:1 pour présenter la famille d’Aaron et Moïse ainsi qu’en Ruth 4:18. La prêtrise et la royauté sont ainsi associées aux récits fondateurs de la Genèse par le simple choix des mots.
Pour faire ressurgir d’autres histoires bibliques et les intégrer en filigrane de son récit tout en interpellant le lecteur, l’auteur recourt également à de nombreuses analogies et à de l’intertextualité. Comme la toile tissée d’une araignée, le texte est riche en ramifications et implications.
Pour ne nommer que deux exemples parmi d’autres, le livre de Ruth renvoie subtilement, mais de façon indéniable aux histoires étranges de Lot et ses filles (Genèse 19) d’une part et de Juda et de sa belle-fille Tamar (Genèse 38) d’autre part. Deux histoires mettant en scène des ancêtres de Ruth et Boaz (et Noémie), deux histoires où il est question d’une descendance née dans des circonstances pas très catholique, si vous me permettez l’expression. Deux histoires où les femmes doivent ruser, dangereusement parfois, pour que la vie puisse émerger contre toute attente. Deux histoires où les mères sont étrangères au peuple choisi. Deux histoires qui, contre toute attente, se retrouvent liées des générations plus tard.
En effet, ces deux lignées de la famille de Térah2, séparés en Genèse 13 alors qu’Abram et Lot prennent des chemins différents sont à nouveau réunies dans l’union de Ruth et Boaz. Le mot parad (séparation) est utilisé à trois reprises en Genèse 13, insistant sur cette fracture au sein de la famille d’Abram. Ce mot ne revient qu’une fois dans le corpus vétérotestamentaire, à savoir en Ruth 1:17 quand elle promet à Noémie de ne jamais se séparer d’elle. Cet emploi de parad est loin d’être anodin et semble donner espoir que cette brèche puisse enfin être rétablie.3 C’est comme si l’histoire de Ruth permettait de racheter, de réparer certains évènements tragiques de la Genèse pour laisser ensuite place à la lignée royale.
A suivre…
- Voir Genèse 2:4, 5:1, 6:9, 10:1, 11:10, 11:27, 25:12, 25:19, 36:1,9, 37:2.
- Térah était le père d’Abram, Nahor et Harân. Ce dernier eut un fils, Lot et mourut du vivant de Térah, son père. Lot suit son oncle Abram vers le Pays Promis. Voir Genèse 11:27-12:5.
- Tamara Cohn Eskenazi and Ro-Tivka Frymer-Kensky, Ruth (Philadelphia: Jewish Publication Society, 2011). xxi.
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