Une famille multimodale
On 16 septembre 2021 by MarieA l’occasion de la semaine de la mobilité, je vous propose deux textes ‘tranches de vie’ qui reprennent nos expériences, nos tentatives de multimodalité en famille. Ce premier texte a été écrit en 2018. Vous pourrez lire la version 2021 la semaine prochaine ! Bonne lecture.
Hier, j’ai dépassé une BMW. Une belle. Une noire. Toute propre. Et une grosse avec ça. Alors je ne vous dis pas, j’étais fière ! Bon d’accord la concurrence était déloyale. Moi, j’étais à vélo. Je pouvais pédaler sur la piste cyclable, profiter du soleil de septembre et sentir le vent de face tout en bénéficiant d’un petit coup de pouce électrique. Alors que la BMW, elle, roulait au pas, prise dans le piège des bouchons. La pauvre. Et je l’ai battue, comme ça.
C’est mon fils qui m’a appris cette joie de faire la course avec les voitures, d’essayer d’aller aussi vite qu’elles. Pas évident, mais quand on gagne, c’est la folie ! On ne se sent plus. Vous comprenez ma joie d’hier. Ah la pauvre BMW quand même. J’ai pitié. C’est pas drôle ça.
Bienvenue dans notre famille de fous. Ou de courageux. C’est selon. De toute façon, ce n’est pas moi qui le dis. Mais je le vois bien dans le regard des autres et dans leurs questions aussi. Il faut dire que nous n’avons plus de voiture. Jadis nous en avions une. Un an après la naissance de notre premier enfant, on s’était sentis obligés d’en avoir une. Quand on est parents, on devient adultes, non ? Il faut assumer. Et puis les bus après 19h ça ne court pas les rues dans notre région. Bref. Nous avons quatre années durant montré patte blanche et démontré que nous aussi pouvions être les fiers propriétaires d’une voiture. Mais ça nous pesait. Changer les pneus, passer le contrôle technique, gérer les petits tracas d’une vie de voiture, la laver, mettre les enfants dans les sièges, trouver cette satanée ceinture, conduire, passer son temps dans les bouchons, trouver une place de parking, retirer les enfants, sans compter devoir dégivrer le matin en hiver et supporter l’étouffante chaleur en été (nous n’avions pas l’air conditionné). A cela s’ajoutaient les frais, exorbitants pour notre utilisation limitée. Et sans oublier, quelque part au fond de nous, une petite conscience écologique.
Alors quand la voiture nous a lâchés et n’a plus voulu passer le contrôle technique, on s’est dit que ça suffisait. On a réfléchi, évalué notre situation et on s’est senti pousser des ailes. Un vent de liberté soufflait chez nous. L’appel de la marche et du vélo se faisait entendre. L’apparition d’une voiture partagée dans notre petite ville (mais à 2,5km de chez nous) nous donnait espoir et nous a permis de faire le grand saut. On s’est lancé dans une nouvelle aventure familiale, qui continue maintenant à cinq. Nous voulions tenter l’expérience d’une autre mobilité qui nous permettrait aussi de retrouver et entretenir notre condition physique dans nos déplacements. Nos périples prennent donc plusieurs formes entre la marche, le bus, le train, la voiture partagée, le vélo ou encore la trottinette. Et nous y avons trouvé une certaine liberté et joie. Cette joie de pouvoir nous déplacer avec nos enfants par nos propres moyens. Cette joie de ne pas prendre pour acquis tous nos déplacements.
A vélo ou à pied, nous affichons nos couleurs en famille, avec une préférence pour le jaune fluo et les lampes qui brillent et clignotent de feux blancs et rouges. Le look n’est pas toujours le plus en vogue, mais disons que nous tenons à rester en vie et surtout dans le champ visuel des automobilistes parfois distraits, parfois en grande conversation téléphonique et qui semblent ne pas avoir remarqué notre humble présence. Adieu la modestie, adieu l’humilité ! Nous ne sortons jamais à vélo/trottinette – et à pied en hiver – sans arborer fièrement nos plus belles couleurs. Plus c’est voyant, mieux c’est ! Ce qui engendre parfois une certaine connivence avec nos confrères cyclistes que nous ne croisons pas sans un petit geste de reconnaissance, un petit hochement de tête, un petit sourire ou un petit mot d’encouragement – surtout pour les cyclistes qui montent la belle descente que nous sommes en train de dévaler à toute allure.
Après quelques mésaventures où le ciel nous est tombé sur la tête comme cette fois où nous ne partagions qu’un seul minable parapluie pour quatre, ou encore lorsque je suis revenue de Leuven sous une pluie battante et glaciale un soir de novembre, nous avons appris à prendre en compte la météo avant une sortie. Avec le temps, les enfants savent où trouver la page météo dans le journal alors que je consulte avec attention le site buienradar.be. Nous nous sommes également équipés de vêtements plus adaptés, car comme dit l’adage, le problème n’est pas la pluie, mais les mauvais vêtements. Ceci dit, cette maxime oublie de rappeler que les enfants grandissent bien trop vite et qu’il est donc souhaitable de renouveler l’équipement à temps.
Oh bien sur la vie n’est pas rose (fluo) tous les jours, nous en voyons de toutes les couleurs mais avec un peu de recul et une dose d’autodérision, le jeu en vaut la chandelle. Il y a bien ces disputes sur le chemin où les enfants refusent d’avancer et où l’on oscille entre une attitude autoritaire et le recours à une aventure fantastique pour justifier les prochains pas. Il y a cette panne de vélo électrique au milieu d’une montée avec la remorque remplie à ras bord de courses sous une chaleur caniculaire. Il y a aussi ces excursions ou sorties annulées pour cause de météo ou de voiture non disponible. Il y a ces retards ou annulations de train de retour d’une escapade à la mer ou en Ardenne. Il y a cette organisation et réflexion inévitable, avec cette myriade de possibilités qui transforme chaque déplacement en aventure. Il y a aussi ces enfants qui font la course en vélo et qui foncent dans un mur ou dans une énorme flaque d’eau, oscillant entre larmes et rires. Il y également les chaines qui déraillent et l’apprentissage des premiers soins à apporter aux vélos. Et puis il y a ces travaux qui nous font emprunter de longs détours, accompagnés d’automobilistes frustrés et/ou perdus.
Mais tous ces moments créateurs de bons souvenirs (par la suite) alternent avec des moments de pur plaisir : le plaisir de rouler à toute vitesse à travers une flaque d’eau en levant les jambes, le plaisir de chanter à tue-tête pour couvrir le bruit des voitures, le plaisir de répondre aux sourires amicaux des automobilistes et d’être témoins de leurs actes de civilité envers nous, le plaisir de voir les enfants courir et inventer des histoires le long du chemin, la sensation de l’effort accompli, le plaisir de se sentir vivre, le plaisir de ce temps donné pour observer les fleurs, le soleil au travers des feuilles et la nature qui longe nos chemins, le plaisir de battre une voiture à la course, le plaisir d’être moins stressé lors de nos déplacements, et puis finalement le plaisir de cette bonne tasse de thé bien chaude ou de ce verre d’eau fraiche qui nous attendent après l’effort.
Alors quand tout est dit, sommes-nous courageux ou fous ? Probablement ni l’un ni l’autre. Juste des paresseux dans le fond de l’âme qui savent que s’ils ne sont pas obligés de changer, ils ne changeront pas. En témoignent nos attitudes quand nous avons la chance d’avoir une voiture à prêter : nous l’empruntons bien plus que nécessaire. Car comme dirait notre fils : ‘On a une voiture, profitons-en !’
Septembre-octobre 2018
J’aime beaucoup ton article « tranche de vie » , ça donne envie de repartir à vélo !
J’ai hâte de lire la suite : 2021 !