Ode à mes bibliothèques
On 17 février 2022 by MarieAu commencement, il y avait le Bibliobus. Je ne me souviens ni de la fréquence, ni de l’endroit où il s’arrêtait dans notre village. Seulement que maman m’amenait dans cette caverne d’Ali Baba. C’est là que tout a commencé, avec la découverte d’un Club des Cinq en grands caractères dans une édition attirante. On avait le livre à la maison, mais celui-ci était différent à mes yeux. C’est ce livre-là qui m’a introduit dans le monde magique des livres et des bibliothèques.
Bibliothèques de mon enfance
Si le Bibliobus était grand et magique à mes yeux, ce ne fut que le début. Quelle ne fut pas ma joie en découvrant la bibliothèque de notre ville au Canada. Grande et lumineuse, je me souviens de ses interminables rayons de livres pour la Jeunesse, rangés dans des étagères à ma hauteur. J’y ai découvert les Flammarion Castor Poche. De livre en livre, j’ai ouvert des portes, je me suis engouffrée dans des mondes parallèles, j’y ai fait des rencontres insolites. Comme cette petite fille – ou ce fantôme de petite fille – coincée chez elle suite à la rougeole. Une histoire étrange que je n’ai jamais relue et retrouvée, mais qui m’accompagne pourtant depuis ce temps-là.
Je me souviens aussi de la magnifique bibliothèque scolaire. J’y passais le plus clair de mes temps de midi à lire et à découvrir. La bibliothécaire m’aimait bien, elle me gênait un peu en parlant de mes boucles et de mon teint d’anglaise. Mais c’était un lieu rassurant et paisible. C’est à cette période que j’ai rencontré Anne, l’héroine de Anne la maison aux pignons verts. Plus que tout autre personnage de fiction, Anne est devenue une amie. Je lisais ses aventures de façon si boulimique que mes parents devaient me soustraire aux livres pour que je mange et dorme. Aujourd’hui encore, je me délecte régulièrement à son contact.
Lectures et bibliothèques à l’adolescence
Ce fut la bibliothèque de M… qui me procura mes lectures d’adolescente. A l’époque plus sombre, moins bien fournie que maintenant, elle n’en fut pas moins l’abri de belles découvertes. Ce fut la période des grandes aventures en compagnie de Dumas et Hugo, mais aussi du théâtre découvert à l’école et dévoré dans mes temps libres (Shakespeare, Molière, Musset et bien d’autres encore). Bien souvent, je sortais du livre uniquement pour raconter ce que j’avais lu, ce qu’il venait d’arriver à Milady ou tout autre personnage. Il y avait aussi la poésie, souvent dans des anthologies, que j’ai appris à écouter et à déclamer. Il y avait aussi les livres étranges, qui nous laissent avec un malaise, comme Vipère au Poing de Hervé Bazin que j’avais dû lire pour l’école, je crois. Je me revois dans la bibliothèque, cherchant ce livre au rayonnage B, un grand livre dans un coin sombre.
Dans ma chambre, il y avait la bibliothèque de mes parents, entre théologie et lectures d’école. J’ai passé des heures à regarder les titres, les quatrièmes de couverture, en prendre un au hasard et le lire, sans toujours comprendre ce que je lisais. A l’école, il y avait une bibliothèque secrète, cachée de tous, faute de personnel pour s’occuper du prêt. C’est en cinquième secondaire que je l’ai découverte, un peu par hasard, quand ce local sombre et poussiéreux a été le seul disponible pour mon cours de religion. Je n’en revenais pas ; j’étais indignée. On m’avait caché ces trésors auquel je n’ai jamais eu accès.
Le monde des bibliothèques universitaires : rencontres, gifle, apprentissage et pâtisseries
Le monde de la fiction et des livres me fascinait. J’en voulais plus et dans d’autres langues. J’ai alors découvert le monde des bibliothèques universitaires. J’y suis restée longtemps dans ce monde-là et je le fréquent encore à mes heures perdues. Si au début, la bibliothèque universitaire abritait surtout les livres nécessaires pour étudier mes cours, je l’ai progressivement apprivoisée – ou est-ce elle qui m’a apprivoisée ? Et puis, c’est là que perdus entre les livres à la recherche d’un local de cours, nous nous sommes trouvés, mon mari et moi.
Lors de notre Erasmus en Suède, nous avons été comblés par les nombreuses bibliothèques qui parsemaient la ville. Entre le splendide bâtiment qui abritait la bibliothèque universitaire principale et les nombreuses bibliothèques communales, nous avons trouvé notre bonheur. La principale bibliothèque communale abritait une collection impressionnante : je trouvais même là en Suède plus de livres en néerlandais qu’à M…. L’endroit était agréable, avec de grands sièges (style Ikea, nous sommes en Suède, ne l’oublions pas) près des revues où l’on pouvait rester à lire bien au chaud, alors qu’il faisait sombre et froid à l’extérieur. Il y avait aussi un système de prêt informatisé qui nous faisait bien rire.
Nous avons passé de nombreuses heures dans ces lieux ouverts, même le dimanche. Si la plupart de mes souvenirs y sont positifs, je retiens quand même cette gifle reçue à l’entrée de la bibliothèque universitaire, dans le sas où je téléphonais via Skype à mes parents. Un homme a surgit de nulle part, m’a demandé « är du sjuk y huvudet ? » (littéralement « es-tu malade de la tête ? ») avant de me gifler. Un peu estomaquée, un peu effrayée j’ai rangé mes affaires et rejoins mon mari. A la vue de celui-ci, l’homme viendra plus tard s’excuser. Nous n’avons jamais vraiment compris ce qui s’était passé ; après tout nous étions dans un pays où la fessée est interdite.
De retour en Belgique, c’est la bibliothèque de mon université que j’apprends à connaître davantage. Pendant 5 ans, j’y travaille en tant que chercheuse. A mes heures perdues, en quête d’inspiration, je parcours les allées, les rangées à la recherche de perles. Je reviens avec toujours plus de livres que je ne partais chercher. Mon bureau est en désordre avec des piles de livres qui n’attendent qu’à être lus et analysés. Le soir, je bouquine mes trouvailles. La bibliothèque est un lieu de lecture, de travail, de discussions, d’échanges, mais aussi un lieu où l’on planifie des rencontres secrètes autour de pâtisseries confectionnées entre collègues1. J’y ai flâné, regardé les nouvelles acquisitions, découvert des livres qui m’amenaient toujours vers d’autres lectures.
Transmettre le goût des livres et des bibliothèques
Depuis la naissance des enfants, nous avons aussi découvert les bibliothèques de notre commune et des environs. Usagers réguliers, nous y venons avec joie. Depuis plusieurs années, j’ai rejoins l’équipe des bénévoles de la bibliothèque de la Jeunesse. Je découvre l’envers du décor, de ce décor qui m’a accompagné, nourri, réconforté, rassuré toutes ces années. Je peux à mon tour mettre à disposition des livres, accompagner des lecteurs, les conseiller et apprendre à leur contact. Je perçois petit à petit les nombreuses facettes de ce métier passionnant. Quoi de plus stimulant que de faire découvrir et de permettre à d’autres d’accéder gratuitement à des trésors cachés dans des pages ?
Et vous, à quoi ressemblent vos bibliothèques ?
Conseil lecture
Ce texte m’a été inspiré suite à la lecture de Voyage au pays des bibliothèques d’Erik Orsenna et Noël Corbin (2019). Les auteurs tentent un état des lieux du paysage des bibliothèques en France et proposent des pistes pour étendre l’offre à plus de lecteurs, à encourager les bibliothèques à réellement devenir des lieux chaleureux de lecture. J’ai voulu prendre le temps de me souvenir des bibliothèques qui m’ont nourries et le résultat est cette petite biographie ‘bibliothéquesque’, une ode à mes bibliothèques.
- Petite pensée ici pour le très honorable et regretté CREP (Centre de Recherche et d’Etudes en Pâtisserie), seul centre de recherche que j’ai eu le plaisir de co-fonder.
aaah les bibliothèques ces lieux remplis de mérveilles et de découvertes
Je viens seulement de lire ton article. Bel exemple d’amour des livres. Merci.