Jeudi Saint
On 14 avril 2022 by MarieLa voici donc cette semaine sainte. La semaine de tous les renversements. Entre l’entrée glorieuse telle qu’on voudrait se l’imaginer nous les humains et la gloire de Dieu telle que conçue par Dieu. Inattendue, surprenante, bouleversante. Le voile a beau avoir été déchiré, une nouvelle année n’est pas de trop pour découvrir un peu plus ce mystère pascal. Une semaine tragique où nos émotions sont malmenées, chamboulées. Ce que l’on prenait pour acquis semble s’effondrer. Que savons-nous ? Qu’avons-nous compris ? En qui avons-nous placé notre foi ? Avons-nous eu tort ?
Au bout de la semaine se profile la lumière de Pâques, celle-là même qui permet d’éclairer nos luttes, nos incompréhensions, nos blessures, nos chutes. Mais elle est encore faible. Pour le moment, je reste dans ce chemin de Carême commencé il y a déjà si longtemps il me semble. Alors que je médite sur ce chemin parcouru, la phrase de Jésus s’adressant aux disciples endormis à Gethsémané me heurte de plein fouet : « l’esprit de l’homme est plein de bonne volonté, mais la nature humaine est bien faible » (Mt 26 :41). Ils ont voulu prier comme Jésus le leur a demandé, l’accompagner dans son intercession auprès du Père, le soutenir dans ses moments d’angoisse mais ils n’ont pu le faire. Par trois fois, Jésus revient vers eux et les trouve endormis là où ils auraient dû prier. Ils avaient tellement sommeil. Marc souligne qu’ils sont confondus, « ils ne surent que lui répondre » (Mc 14 :40). Moi non plus, je ne sais que répondre devant mes manquements, mes achoppements, ma bonne volonté bien trop faible. Le sommeil a pris le dessus. Je n’ai pas su comme Jésus résister à toutes les tentations, mais j’ai pu discerner mes « véritables dispositions intérieures » (Dt 8 :2b), entre-apercevoir ce qui bien souvent me fait vivre, me remplit. Tel les disciples qui suivent Jésus jusqu’à Jérusalem, je ne le comprends pas ; sa personnalité, ses actions, ses paroles restent bien souvent énigmatiques si elles ne sont éclairées par la foi et l’espérance de Pâques. Si je discerne que c’est à son contact que je pourrais être transformée, transfigurée de l’intérieur, force est de constater que cela ne se fait que très lentement.
Quelques heures avant de s’endormir à Gethsémané, Pierre affirme avec force et vigueur qu’il est prêt à mourir pour Jésus. Il le suivra jusqu’au bout. Mais Jésus le confronte à ses faiblesses. Avant que le coq ne chante, tu me renieras trois fois. L’enthousiasme de Pierre ne suffira pas, ne tiendra pas le coup. Au chant du coq, Luc nous dit que « Le Seigneur se retourna et posa son regard sur Pierre » (Luc 22 :61) qui se souvient, part et pleure amèrement. Quel regard Jésus a-t-il porté sur Pierre ? Un regard d’amour remplit de tristesse ? Ton enthousiasme était beau à voir, ton envie louable, mais voit ce qu’il en est advenu. Tu n’as pas tenu. Reconnais que tu ne peux y arriver par tes propres forces. Ce n’est pas de tes forces dont j’ai besoin, c’est au travers de tes faiblesses que Dieu peut réellement agir.
Quelques heures auparavant, Jésus avait dit à Simon Pierre « j’ai prié pour toi, pour que la foi ne vienne pas à te manquer. Et toi, le jour où tu seras revenu à moi, fortifie tes frères » (Luc 22 :32). Jésus ne le juge pas mais le confronte à ses faiblesses. Il lui ouvre une porte d’espérance où il pourra revenir. Ne t’appuies pas sur tes forces, ta vigueur, ta volonté. Ta force sera en moi, au travers même de ta faiblesse. Les paroles de Jésus sous-entendent ce mouvement d’éloignement et de retour, de passage à la mort pour que la vie puisse émerger.
Alors que ce Carême s’achève, alors que cette semaine nous mène vers les heures sombres de Jésus pour ensuite nous guider vers le Christ glorifié et vivant, je ne peux que constater l’enthousiasme dégonflé de ma volonté. Si j’avance, c’est en clopinant, ralentie par le sommeil. Il me reste la foi. La confiance en la grâce de Dieu, la foi de ce que lui seul peut agir au cœur de mes faiblesses, et cela en son temps. Je suis fatiguée, je suis las. Aurais-je le courage de tout abandonner au pied de la croix ?
Texte écrit en 2019 en lien avec l’album MaCaLu de Pâques que nous avions préparé en communauté. Les illustrations de Cathy Van Acker proviennent de cet album.
Moi aussi , je me sens ralentie par le sommeil et faible, sans volonté !
Dieu agira-t-Il ? Les silences de Dieu sont terribles.
Joyeuses Pàques !
Merci Thérèse. Joyeuses Pâques à toi aussi!